(Djemâa-Ghazaouât) à l’arrivée des Français
La bourgade de Taount existait encore en 1844, lorsque les Français vinrent s’installer sur la plage de Djemâa-Ghazaouât, pour y fonder le poste militaire qui devait prendre, en décembre 1846 seulement, le nom de Nemours.
Le lieutenant-colonel de Montagnac, choisi par le général Lamoricière, en fut le fondateur et le premier commandant supérieur.
Quatre jours après son arrivée, il écrivait à Monsieur Bernard de Montagnac, en parlant de la montagne de Taount : (Le rocher qui borne la plage à l’Est est couronné d’une espèce de village construit en lave, où existe une population de trois ou quatre cents âmes, d’une belle race. Il est intéressant de noter ici, que 26 ans auparavant, en 1818, la population de Taount avait été décimée par la peste qui, d’après ce même officier supérieur, avait été apportée par des navires que les flibustiers avaient capturés ». (Lieutenant-colonel de Montagnac. Lettres d’un soldat, Djemmâa-Ghazaoûat, le 6 septembre 1844, à M. Bernard de Montagnac).
D’après Basset (Nédromah et les Trâras, p. 29), l’épidémie qui ravagea tout le Maghreb et emporta un certain nombre de personnages considérables, entre autres le Dey d’Alger, Ali Khodja, à la même époque, aurait été apportée d’Egypte, en 1233 H. (1817-1818) par les pèlerins de la Mecque.
En 1845, lors du fameux désastre de Sid Brahim où de Montagnac trouva la mort, les habitants de Taount qui jouèrent un rôle équivoque, se mirent à abandonner leurs maisons, le 26 septembre, par crainte des représailles et aussi, disaient-ils, parce qu’ils craignaient Abd el Kâder et les Trârâ. En réalité, le caïd de Taount, Ahmed ben Ahmed, était chez les Trârâ qui tiraillaient sur les avant-postes français.
Quoi qu’il en soit, le capitaine Bidon, commandant de la place, convoqua le jour même le conseil de défense qui décida d’occuper sans retard, la mosquée de Taount, la fameuse Djâma bou Nour. On y monta un obusier, et 30 sapeurs, commandés par un sergent, s’y installèrent. Les Arabes devaient venir le soir même faire irruption de ce point-là dans le poste de Nemours qui se trouvait tout à fait à découvert, la précaution était donc bonne. (Azan, Sidi Brahim, documents contemporains, n°43. Archives Historiques du Ministère de la Guerre, Algérie, situation des places 1845 – Voir aussi documents n°30).
Cependant, le 15 octobre 1845, les anciens habitants de Taount adressèrent au commandant supérieur de Djemâa-Ghazaouât, une lettre dans laquelle le Caïd Ahmed ben Ahmed Ibrahim ben Kaddour et tous les gens de Taount exprimaient le désir de revenir dans leur village abandonné. « Si nous avons fait du mal, disaient-ils, vous pouvez arranger cela pour le mieux. Si vous voulez nous mettre en prison nous sommes à votre disposition et vous pouvez nous faire grâce après. »
Après avoir lu cette lettre, le commandant supérieur répondit le jour même aux habitants de Taount et à la tribu des Suwâhliya qui lui avait aussi écrit pour connaître ses dispositions à leur égard.
« Je ne suis pas habitué à composer avec mes ennemis ; que ceux qui ont besoin de moi viennent me trouver. Je suis chef et ne veux avoir affaire qu’aux chefs. Vous me demandez la promesse qu’il ne vous sera rien fait, mais vous n’êtes pas les plus forts pour me faire les conditions. Je vous le répète, que ceux qui ont besoin de moi viennent, je les entendrai. Quant à rentrer dans votre village, le lieutenant général de Lamoricière seul peut vous l’accorder. Si vos chefs n’osent pas venir de suite chez moi, qu’ils y viennent le jour où la colonne arrivera, je les présenterai au Général et il décidera du sort de ceux qui ont à se reprocher une trahison ». (Azan, Sidi Brahim, documents contemporains, n°89. Archives Historiques du Ministère de la Guerre, Algérie, correspondance 23 octobre 1845).
Huit jours plus tard, le maréchal Bugeaud écrivait au général du génie Charon, du «Bivouac des Scorpions», au sujet des habitants du village de Taount : « Si cette petite population a trempé dans la révolte, nous sommes entièrement dans le droit de posséder ces habitations. Si elle n’y a pas trempé, on pourra l’indemniser plus tard du tort qu’on lui aura fait et, en attendant, elle s’établira dans les villages voisins ».
Là, se termina l’histoire de Taount qui fut complètement rasée, disparaissant ainsi subitement, à la fin de la première moitié du XIXe siècle. Les habitants se fixèrent à Sîdî Amar qui était leur «Azib» et dans les villages des Oulâd Zîrî et des Suwâhliya auxquels ils appartenaient. (Azan, id., Bugeaud à Charon du bivouac des Scorpions, 23 octobre 1845, Archives Historiques du Ministère de la Guerre, Algérie).(Canal, Le Littoral des Trara, Tlemcen, 1888, p.135).
VESTIGE DE LA FORTERESSE DE TAOUNT
Source : Monographie de Francis Llabador