NEMOURS ET SON AVENIR COMMERCIAL

PAR OCTAVE LLABADOR

Licencié en droit

Courtier maritime assermenté

Oran Imprimerie typographique du LibĂ©ral Rue du Foundouk – 1909

NEMOURS, VUE DE BRIGANDVILLE

Qui ne connaĂ®t aujourd’hui Nemours, cette gentille et coquette citĂ© algĂ©rienne qui fut jadis la «Djemaâ-Ghazaouât» des Arabes, ce « Nid d’Aigle » dont Alexandre Dumas dans son VĂ©loce fait une description si pittoresque et qui tend aujourd’hui Ă  devenir, par son mouvement d’affaires, un des centres commerciaux les plus importants de l’AlgĂ©rie, et par son climat idĂ©alement tempĂ©rĂ©, le sĂ©jour recherchĂ© des hiverneurs et des estivants !

Il ne faut pas perdre de vue, et un simple coup d’Ĺ“il jetĂ© sur la carte de l’AlgĂ©rie et du Maroc le prouve jusqu’Ă  l’Ă©vidence, que Nemours est le port naturel et indiquĂ© de toute la rĂ©gion marocaine que commande Oudjda, les grandes plaines des Triffas et des Angads, si riches et si fertiles, et les gisements miniers de Ghar-Rouban et des Beni-Snassen.

Par la riante vallĂ©e de l’Oued Gazouanah peuvent arriver ici sans encombre les produits de toute la rĂ©gion de la Moulouya, qui va jusqu’Ă  Fez. Nemours, dĂ©sormais a fait ses preuves comme ville commerciale, Après ĂŞtre restĂ©e si longtemps mĂ©connue et abandonnĂ©e Ă  son triste sort, cette ville, d’une incontestable vitalitĂ©, semble vouloir entrer dans une voie nouvelle de prospĂ©ritĂ©, profitable Ă  tous.

C’est qu’en effet, depuis quelques annĂ©es, des Ă©vĂ©nements importants ont sensiblement changĂ© la face des choses, et ont aidĂ© puissamment ce mouvement d’expansion et ce nouvel essor de notre citĂ©.

La prise d’Oudjda au commencement de 1907 et l’insurrection des Beni-Snassen en Novembre de la mĂŞme annĂ©e, qui s’est heureusement terminĂ©e par l’occupation militaire de toute la vallĂ©e de la Moulouya (rive droite) et la crĂ©ation de centres commerciaux importants Ă  Martimprey, Si Mohamed ou Berkane, AĂŻn-Sfa et Tafoural ont ouvert de nouveaux dĂ©bouchĂ©s Ă  notre industrie et Ă  notre commerce.

Aussi nos importations et nos exportations, pendant ces dernières années, ont augmenté dans des proportions absolument remarquables.

Pour en juger, nous ne pouvons mieux faire que de citer des chiffres officiels et par conséquent indiscutables.

En 1900, les entrĂ©es et les sorties du port de Nemours Ă©taient de 892 navires jaugeant 10.455 tonneaux ; En 1907, elles ont atteint 618 navires jaugeant 256.499 tonneaux. Il y a dix ans, en 1898, il n’y avait eu que 30 navires jaugeant 96.747 tonneaux. Le mouvement global des importations et des exportations fut en 1900, de 10.430 tonnes. En 1907, il s’Ă©leva Ă  271.184 tonnes.

La moyenne des recettes de notre bureau des Douanes, jusqu’en 1900, n’a pas dĂ©passĂ© 15.000 francs. Elle s’est graduellement Ă©levĂ©e Ă  plus de 65.000 francs en 1907.

Notre transit sur le Maroc a subi la même progression. 

En 1905, on a plombé au bureau de Nemours 9.110 colis ; en 1906, 10.301 ; en 1907, 18.600 et enfin en 1908, 31.027 colis !

Ces chiffres sont Ă©videmment plus Ă©loquents que toutes les dissertations possibles sur ce point, et dĂ©montrent surabondamment la progression constante et l’accroissement très sensible subis par notre trafic, De plus, comme nous le disions plus haut, la pĂ©nĂ©tration française le long de la frontière marocaine, suite de la dernière insurrection, ouvre de nouveaux dĂ©bouchĂ©s Ă  nos produits, et un courant commercial très intense se crĂ©e dans la partie Nord du territoire des Beni-Snassen, par le point dit «Camp de Martimprey», oĂą s’Ă©lève, avec une rapiditĂ© surprenante, un centre plein de vie et d’avenir. 

Le transit sur Martimprey, ouvert au commerce depuis le mois de Janvier 1908, tend Ă  prendre chaque jour plus d’extension ; toutes les denrĂ©es destinĂ©es Ă  l’alimentation de la rĂ©gion comprise entre la plaine des Triffas, le Nord du massif des Beni-Snassen et la Moulouya passent nĂ©cessairement par ce point qui devient de ce fait un centre commercial important.

D’autre part, les opĂ©rations de transit direct de Nemours sur Oudjda, sans rupture de chargement Ă  Marnia, ont eu Ă©galement pour rĂ©sultat d’augmenter notablement le chiffre de notre trafic, Ă  tel point que notre MunicipalitĂ©, toujours soucieuse de ses intĂ©rĂŞts, insista auprès des AutoritĂ©s compĂ©tentes et obtint que le personnel rĂ©duit du service des Douanes, dĂ©bordĂ© et mis dans l’impossibilitĂ© d’assurer un service aussi chargĂ©, fut immĂ©diatement renforcĂ©.

Notre commerce d’importation et de transit sur le Maroc, dĂ©jĂ  en bonne voie de dĂ©veloppement, tend donc Ă  s’accroĂ®tre chaque jour davantage. Pour ce qui est des exportations, nous constatons la mĂŞme progression ascendante dans le chiffre de notre trafic.

En 1905, Nemours exporta 7.852 tonnes de marchandises diverses ; en 1906, 9.106 tonnes ; en 1907, 13.001 tonnes ; et enfin en 1908, 16.788 tonnes ! C’est que, outre le dĂ©veloppement considĂ©rable qu’ont pris les affaires dans notre rĂ©gion, nos terres de culture sont de jour en jour mieux mises en valeur, et accusent chaque annĂ©e un rendement de plus en plus satisfaisant. 

Malheureusement, il n’existe pas encore, Ă  proprement parler, de vignobles dans notre pays. Seuls, de rares propriĂ©taires possèdent quelques hectares de vigne dont le produit suffit Ă  peine Ă  leur consommation personnelle. Le reste consiste en raisins de treille qui se mangent frais,

La raison de cette indiffĂ©rence gĂ©nĂ©rale pour ce genre de culture ne rĂ©side pas dans la mauvaise qualitĂ© de nos terrains, mais plutĂ´t clans la situation rĂ©ellement dĂ©plorable oĂą, jusqu’Ă  ce jour (maintenant tout va changer puisqu’on nous construit un port et un chemin de fer !) nous nous sommes trouvĂ©s manquant totalement de voies faciles de communications, de moyens sĂ»rs d’embarquement et d’abri contre les mauvais temps, pour amener les vins Ă  quai et les embarquer.

Il est vrai aussi que le nombre des colons europĂ©ens habitant notre rĂ©gion est très restreint et que les indigènes, livrĂ©s Ă  eux-mĂŞmes, se dĂ©sintĂ©ressent gĂ©nĂ©ralement de la culture de la vigne, pour s’adonner entièrement Ă  celle des cĂ©rĂ©ales qui forment la base de leur alimentation.

C’est pourquoi aussi, dans notre rĂ©gion essentiellement agricole, les cĂ©rĂ©ales constituent le plus gros appoint de notre commerce d’exportation. En 1907, notamment, la rĂ©colte ici, a Ă©tĂ© particulièrement abondante, surtout en blĂ©s.

Nous avons embarquĂ© environ dix mille tonnes de blĂ©s tendres et divers et 3.000 tonnes d’orges, sans compter 2.000 tonnes d’orges ou moins que les indigènes ont conservĂ©es, en rĂ©serve, dans leurs « silos », pour leur consommation personnelle.

Si en 1908, nous n’avions pas constatĂ© une aussi grande abondance de cĂ©rĂ©ales c’est parce que l’insurrection des BĂ©ni Snassen, fin 1907, et les opĂ©rations militaires dans ce pays, pendant 4 mois, ont empĂŞchĂ© bon nombre d’indigènes de semer en temps opportun, comme les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes.

En dehors des cĂ©rĂ©ales, qui constituent la principale ressource de notre pays, il existe dans la rĂ©gion de Nedromah-Nemours une industrie prospère, de plus en plus florissante, mais dont les marchĂ©s français ne profitent malheureusement pas assez : je veux parler du crin vĂ©gĂ©tal. On compte en effet deux usines de fabrication Ă  Nedromah, trois Ă  Nemours, une Ă  Sidi-Bou Djenane, une Ă  Bab-El-Assa et enfin une dernière qui s’installe, en ce moment, Ă  la colonne de Sidi-Brahim, produisant globalement une moyenne de 20 Ă  25.000 quintaux de crin par an.

Tout ce crin est en majeure partie achetĂ© par des nĂ©gociants d’Oran qui le font embarquer ici sur des navires Ă©trangers Ă  destination de la Belgique, de l’Angleterre ou de l’Allemagne. On vend ce crin Ă  l’Étranger parce que les prix offerts sont plus rĂ©munĂ©rateurs que ceux des marchĂ©s français, et on charge sur des navires Ă©trangers parce que leur fret est plus rĂ©duit que celui des Compagnies Françaises.

Notre territoire est Ă©galement riche en marbres de toutes sortes : des blancs, des jaunes, des roses ainsi que des onyx verts et roses translucides qui sont peu ou mal exploitĂ©s par suite des difficultĂ©s que prĂ©sente leur embarquement sur une rade aussi inhospitalière que la nĂ´tre. 

Pour les mĂŞmes raisons, on laisse dormir une foule de riches gisements miniers, qui constitueraient pourtant une rĂ©elle richesse pour notre rĂ©gion entière, s’ils Ă©talent mis en valeur. Quelques prospecteurs hardis et tenaces ont bien fait des efforts très louables et dignes d’un meilleur sort pour attirer l’attention des capitalistes sur les gisements de Nemours et de ses environs, mais ils ne sont pas toujours parvenus Ă  les y intĂ©resser.

Seule la « SociĂ©tĂ© minière des Djebel Maaziz et Masser Â» a donnĂ© une certaine extension Ă  l’exploitation de ses minerais de zinc mais au prix d’Ă©normes sacrifices. Elle mĂ©rite, Ă  ce titre, d’ĂŞtre plus connue et mieux apprĂ©ciĂ©e. Elle fut constituĂ©e en 1902 en capital de 3 millions de francs. Elle exploite les concessions de Maaziz et de Masser, situĂ©es sur la route de Nemours Ă  Marnia, Ă  30 kilomètres environ de la mer. Les « Mines de Maaziz», dont la concession fit l’objet d’un dĂ©cret du PrĂ©sident de la RĂ©publique,  en date du 23 Juillet 1875, Ă©taient connues depuis bien longtemps.

La SociĂ©tĂ© « Ghar-Rouban » y avait fait de nombreuses recherches de 1852 Ă  1859. En 1859, l’établissement fut saccagĂ© de fond en comble par les Arabes, et les travaux, repris ensuite, furent abandonnĂ©s pendant une dizaine d’annĂ©es.

En 1869, les travaux recommencèrent sous la direction de M. GaziĂ©, et ce, jusqu’en 1885.

Les recherches en profondeur qui eurent lieu dans la suite, démontrèrent que le gisement avait une réelle valeur. La grande quantité de minerai tout venant, sortant de la mine, ne permettait pas une préparation manuelle économique.

La SociĂ©tĂ© se vit obligĂ©e d’installer des ateliers mĂ©caniques. Le problème offrait de très grandes difficultĂ©s par suite du peu de ressources de la rĂ©gion et du manque total de main d’Ĺ“uvre appropriĂ©e ; cependant la population ouvrière ne fit que croĂ®tre et atteignit, en1906, le chiffre de 500.

L’incendie des laveries, en octobre 1907, modifia quelque peu le programme de la SociĂ©tĂ©, et un appel de fonds fut rendu nĂ©cessaire. La puissante « SociĂ©tĂ© de la Vieille Montagne » entra dans l’affaire. La construction d’une nouvelle laverie en fer fut dĂ©cidĂ©e et mise immĂ©diatement en exĂ©cution. Cette nouvelle installation sera entièrement automatique et capable de fournir annuellement 15.000 tonnes de minerais marchands qui viendront nĂ©cessairement s’embarquer Ă  Nemours.

Le « Gisement de Masser » est aussi intĂ©ressant que celui de Maaziz. Les premières reconnaissances remontent Ă  1883 ; mais les travaux de recherches ne furent poursuivis avec suite qu’en 1886, Ă©poque Ă  laquelle la mine passa entre les mains de M. Pitcavin qui en obtint la concession en 1890. Un dĂ©cret du PrĂ©sident de la RĂ©publique, en date du 15 aoĂ»t 1902, a autorisĂ© la rĂ©union des deux concessions de Maaziz et de Masser. Le gĂ®te de Masser offre de très grandes espĂ©rances ; la production y est actuellement très variable, par suite de l’absence de tout atelier de prĂ©paration. Un câble aĂ©rien de Masser Ă  Maaziz est mis Ă  l’Ă©tude et permettra d’envoyer le minerai Ă  laver Ă  Maaziz ainsi que toutes les fournitures nĂ©cessaires Ă  l’exploitation. Le minerai fini reviendrait Ă  Masser par la mĂŞme voie,

En ce dernier lieu, serait crĂ©Ă©e une station de chargement et de dĂ©chargement d’oĂą partiraient cinq camions automobiles, transportant Ă  Nemours, lieu d’embarquement, toute la production de Maaziz et de Masser…,

Cette SociĂ©tĂ© est donc, ce nous semble, très intĂ©ressante puisqu’elle fait de grosses dĂ©penses et de louables efforts pour donner le plus grand essor possible Ă  son exploitation et il est certainement très regrettable que le chemin de fer qui va ĂŞtre construit entre Nedromah et Nemours ne puisse desservir ce centre minier qui, par son trafic, 15.000 Ă  20.000 tonnes au moins, aurait constituĂ©, pour lui, un très sĂ©rieux appoint.

Quoiqu’il en soit, si la voie ferrĂ©e nouvelle n’en profitera pas, notre futur port, dont les travaux ont d ‘ailleurs commencĂ©s, recueillera tout le bĂ©nĂ©fice de cette production minière dont Nemours sera forcĂ©ment le port de sortie.

Nous ne terminerons pas cet exposĂ© gĂ©nĂ©ral aussi exact et aussi complet que possible des principaux Ă©lĂ©ments de prospĂ©ritĂ© de Nemours et de ses environs, sans parler des autres branches du commerce et de l’industrie exploitĂ©es ici et appelĂ©es Ă  se dĂ©velopper en mĂŞme temps que notre outillage maritime, vraiment trop rudimentaire.

Citons tout d’abord l’installation rĂ©cente d’une fabrique de salaison de sardines et anchois, crĂ©Ă©e il y a trois ans Ă  peine, dans des conditions particulièrement pĂ©nibles et difficiles, par deux de nos concitoyens, actifs et remuants, MM. Pitzini et Corro. Cette usine est dĂ©jĂ  en pleine voie de prospĂ©ritĂ©, grâce aux efforts persĂ©vĂ©rants de ses propriĂ©taires Ă  qui nous souhaitons une rĂ©ussite complète. D’ailleurs le chiffre sans cesse grandissant de leurs exportations indique suffisamment que si, au dĂ©but, la tentative très louable de ces Messieurs fut un essai quelque peu timide, aujourd’hui l’entreprise revĂŞt absolument le caractère d’une vĂ©ritable industrie, intelligemment organisĂ©e, produisant et vendant chaque annĂ©e, en France et Ă  l’Étranger, plusieurs milliers de quintaux-de poissons salĂ©s, embarquĂ©s sur des navires français et Ă©trangers.

La rĂ©gion de Nemours est Ă©galement grande productrice de caroubes, achetĂ©es par les nĂ©gociants de notre place qui les revendent quelquefois sur le marchĂ© de Marseille, mais le plus souvent les expĂ©dient en Angleterre ou en Allemagne oĂą les prix offerts sont gĂ©nĂ©ralement plus rĂ©munĂ©rateurs. C’est ainsi que nous embarquons annuellement 25.000 Ă  30.000 quintaux de caroubes pour diffĂ©rentes destinations.

L’alfa a Ă©tĂ© et est encore une spĂ©cialitĂ© de notre territoire. Plusieurs chantiers sont installĂ©s, chaque annĂ©e Ă  l’Ă©poque voulue, pour acheter et emballer 10.000 Ă  16.000 quintaux, presque toujours acheminĂ©s sur l’Angleterre.

Enfin, Nemours qui est encore Ă  ce dernier point de vue, une sorte de pĂ´le attractif de toute la rĂ©gion Nord-Ouest de la frontière algĂ©ro-marocaine, exporte annuellement 500.000 Ĺ“ufs environ, 8 Ă  10.000 volailles, plusieurs milliers de quintaux de laine brute, de peaux sèches de bĹ“ufs, chèvres et moutons, et de notables quantitĂ©s de fruits frais. Pour ce dernier article, et pour les primeurs en gĂ©nĂ©ral, il est vraiment malheureux que l’inhospitalitĂ© de notre rade et l’Ă©tat rudimentaire de nos moyens d’embarquement n’aient pas permis de donner Ă  cette production une plus grande et plus lucrative extension.

Disons aussi que Nemours est encore un des points de l’AlgĂ©rie oĂą se cultivent le plus d’amandes douces et amères. Les annĂ©es favorables oĂą la rĂ©colte est abondante, il se charge ici pour Marseille des quantitĂ©s très notables de cet article recherchĂ©

Nemours est donc incontestablement un pays de ressources, possĂ©dant des richesses naturelles très importantes qu’on ne peut malheureusement pas exploiter et dĂ©velopper autant qu’elles pourraient et devraient l’ĂŞtre, parce que le manque de chemins d’accès et de voies de communication en ont fait, jusqu’Ă  ce jour, un point isolĂ©, nettement sĂ©parĂ© du reste de l’AlgĂ©rie, et aussi parce que l’insĂ©curitĂ© de sa rade, l’imperfection de son outillage maritime et le dĂ©faut d’abri contre les mauvais temps ont toujours rendu les opĂ©rations de dĂ©barquement et d’embarquement particulièrement difficiles, coĂ»teuses et alĂ©atoires.

Cependant, malgrĂ© ces gros inconvĂ©nients, malgrĂ© les difficultĂ©s matĂ©rielles de toutes sortes qui ont entravĂ© et retardĂ© l’essor de notre commerce, malgrĂ© l’indiffĂ©rence des pouvoirs publics qui, jusqu’Ă  ce jour, n’avaient absolument rien fait pour aider les initiatives privĂ©es Ă  favoriser le dĂ©veloppement de notre commerce et de notre industrie, pourtant si vivaces, malgrĂ© les hostilitĂ©s sourdes ou avouĂ©es et les rĂ©sistances inexplicables sinon « inexpliquĂ©es » auxquelles on s’est heurtĂ©, Nemours, ville active et remuante, a travaillĂ©, Nemours a marchĂ© dans la voie du progrès, Nemours s’est affirmĂ©e un centre commercial important, ayant un trafic dĂ©jĂ  remarquable, et appelĂ© Ă  se dĂ©velopper beaucoup plus encore, le jour oĂą des routes praticables et une voie ferrĂ©e rendront les communications avec Nedromah, Marnia et la frontière marocaine, plus rapides, plus faciles, plus Ă©conomiques. Il reste Ă  ce point de vue beaucoup Ă  faire d’ailleurs dans notre rĂ©gion. 

Il est certain que, pour drainer l’arrière-pays autour de Nemours vers notre port, il y aurait lieu d’utiliser sans retard ce qui existe presque dĂ©jĂ , c’est-Ă -dire faire un bon empierrement de la route qui relie le Kiss Ă  Martimprey et Ă  Nemours par Bab-El-Assa et dont l’Ă©tat actuel laisse beaucoup Ă  dĂ©sirer. De cette façon le marchĂ© d’Adjroud que domine le poste de surveillance français, pourrait envoyer plus facilement et plus Ă©conomiquement ses produits et denrĂ©es Ă  Nemours.

Il y aurait Ă©galement un rĂ©el intĂ©rĂŞt Ă  amĂ©nager et amĂ©liorer la piste muletière qui relie ce marchĂ© Ă  Nemours par celui de l’Oued Kouarda. Le marchĂ© d’Adjroud est en somme l’Ă©tape entre la basse Moulouya et Nemours ; Ă  l’heure actuelle tout ou presque tout ce qui sort d’Adjroud se dirige soit sur NĂ©dromah, soit sur Marnia. De plus, un service bi-hebdomadaire de vĂ©hicules entre le marchĂ© d’Adjroud et Nemours, avec arrĂŞt Ă  Martimprey, contribuerait au dĂ©veloppement du mouvement commercial et servirait les intĂ©rĂŞts des marchĂ©s des deux localitĂ©s.

Nous avons en effet ici l’avantage de possĂ©der une route empierrĂ©e et carrossable Jusqu’Ă  Martimprey ; notre intĂ©rĂŞt est que le tronçon de Martimprey au Kiss le soit Ă©galement et le plus tĂ´t possible. Quant au chemin muletier par Kouarda, les premières pluies vont le rendre impraticable. Pourquoi les communes de NĂ©dromah et de Nemours qui ont intĂ©rĂŞt Ă  ce qu’il soit entretenu ne feraient-elles pas exĂ©cuter par les indigènes, après les labours, les travaux de première urgence, afin de l’empĂŞcher dans certaines parties de se transformer en bourbier, et Ă©viter du mĂŞme coup un ralentissement dans les transports, toujours prĂ©judiciable aux intĂ©rĂŞts des trafiquants ?

Il est hors de doute que plus il y aura de voies de communication vers Nemours, plus l’accès en sera rendu facile et plus s’affirmera la « fonction rĂ©gionale » de notre port, c’est Ă -dire la facultĂ© mĂŞme d’attirer les ressources de son arrière-pays.

Dans le voisinage immĂ©diat de Nemours le pays est si accidentĂ© qu’il y a encore bien des obstacles Ă  vaincre pour rendre les affaires faciles et Ă©conomiques, c’est donc par la qualitĂ© des voies d’accès, que l’on arrivera Ă  les surmonter en mĂŞme temps qu’Ă  Ă©tendre notre « hinterland », au-delĂ  mĂŞme de toute prĂ©vision.

Ce jour-lĂ , nous aurons justifiĂ© amplement aux yeux des Pouvoirs Publics, si parcimonieux Ă  notre Ă©gard, des deniers de l’État, les sacrifices rĂ©ellement importants qu’ils auront fait pour la prospĂ©ritĂ© et l’avenir de notre rĂ©gion, si longtemps frappĂ©e d’ostracisme.

C’est ce que nos dĂ©vouĂ©s reprĂ©sentants Ă  la Chambre au SĂ©nat et au Conseil GĂ©nĂ©ral, MM. Etienne, Saint-Germain et L. Fouque se sont employĂ©s Ă  dĂ©montrer aux autoritĂ©s compĂ©tentes et c’est ce qu’on semble avoir fini par comprendre.

Aujourd’hui, grâce Ă  la bienveillance de tous, notre voix parait avoir Ă©tĂ© entendue et des travaux importants ont Ă©tĂ© projetĂ©s, dĂ©cidĂ©s, pour rendre meilleures nos communications par terre, et pour assurer nos opĂ©rations sur mer. Une ligne ferrĂ©e va nous relier Ă  Marnia, Tlemcen et le reste de l’AlgĂ©rie, et, un port-abri, dont les travaux sont d’ailleurs entamĂ©s, va nous permettre d’opĂ©rer par tous les temps.

La question du Chemin de fer de Nemours Ă  Marnia est vieille d’un quart de siècle. DĂ©jĂ  en 1882-1883, on parlait de l’Ă©tablissement d’une ligne de voie Ă©troite reliant Nemours Ă  Marnia par Nedromah. Depuis, les corps Ă©lus de la rĂ©gion de Nemours et Marnia soulevèrent la question Ă  plusieurs reprises mais en insistant beaucoup trop mollement pour obtenir satisfaction.

Plus tard en 1888, un ingĂ©nieur belge, des plus distinguĂ©s, M. Golesloot, s’intĂ©ressa Ă  l’affaire, vint l’Ă©tudier sur place et après l’avoir dĂ©clarĂ©e parfaitement rĂ©alisable, prĂ©senta un projet complet de voie ferrĂ©e de Nemours Ă  Marnia.

Pour des raisons qui n’entrent pas dans le cadre de notre Ă©tude, on ne donna pas suite Ă  ses propositions.

Il fallut attendre 1907 pour que, grâce aux démarches présentées de nos éminents représentants et aussi à la bienveillance des autorités, la question de notre chemin de fer fut prise en sérieuse considération.

La concession en fut accordĂ©e Ă  ce mĂŞme M. Galealoot qui s’intĂ©ressait Ă  cette affaire et la travaillait depuis 20 ans.

Dans sa sĂ©ance du 30 octobre 1097, l’assemblĂ©e dĂ©partementale d’Oran dĂ©cida de soumettre aux enquĂŞtes rĂ©glementaires l’avant-projet de la ligne principale de Nemours-Bou Djenan-Marnia et celui de l’embranchement de NĂ©dromah, imposĂ© Ă©galement au demandeur, en vue de desservir directement ce dernier centre. L’enquĂŞte prescrite eĂ»t lieu du 30 octobre au 24 DĂ©cembre 1907.

Elle donna lieu Ă  trois observations principales : la plus importante est celle des habitants de NĂ©dromah, qui rĂ©clament l’adoption du tracĂ© direct ; une autre Ă©mane de la « SociĂ©tĂ© des Mines de Maaziz et Masser » qui se dĂ©clare incompĂ©tente sur le choix des tracĂ©s, mais signale que celui qu’on prĂ©conise ne sera pas d’une grande utilitĂ© pour elle ; il y a enfin une dernière dĂ©claration de M. Dubois, directeur des Mines du Filaoucen (commune de NĂ©dromah), disant que le chemin de fer passant par NĂ©dromah est le seul qui rĂ©ponde aux nĂ©cessitĂ©s de ses exploitations minières.

On se trouvait donc en prĂ©sence de deux tracĂ©s pour le chemin de fer d’intĂ©rĂŞt local projetĂ© entre Marnia et Nemours ; le premier passant par NĂ©dromah et le col de Sidi-Berrich ; le second contournant par l’Ouest le Massif de Maaziz et passant par Sidi-Bou Djenan.

En raison de l’importance des intĂ©rĂŞts en jeu et de l’insistance de Nedromah en faveur du tracĂ© le desservant directement, une Commission spĂ©ciale, composĂ©e des ingĂ©nieurs du ContrĂ´le, d’un Commissaire du Gouvernement et des dĂ©lĂ©guĂ©s des Communes intĂ©ressĂ©es, fut chargĂ©e d’examiner les rĂ©sultats de l’enquĂŞte ordonnĂ©e et de se prononcer sur l’adoption de l’un ou de l’autre des deux tracĂ©s,

En dĂ©pit des arguments d’ordre technique, et Ă©conomique, dĂ©veloppĂ©s par les partisans du projet Marnia-Nedromah-Nemours, la Commission spĂ©ciale, après une très vive discussion, finit par se rallier Ă  l’opinion du rapporteur qui se prononçait très nettement en faveur du projet Galeslooti Marnia-Sidi-Bou-Djenan- Nemours.

Les motifs qu’on invoqua et les avantages qu’on fĂ®t valoir pour justifier cette prĂ©fĂ©rence sont les suivants : 

Le tracĂ© Marnia-Nemours par Sidi-Bou-Djenan est plus court de 7 Ă  20 kilomètres que l’un ou l’autre des tracĂ©s par NĂ©dromah, et sa construction sera beaucoup plus facile, tant en raison des formes et de la nature du terrain parcouru, que de la diffĂ©rence d’altitude des cols traversĂ©s. Le col de Sidi-Berrich est en effet Ă  l’altitude de 669 mètres, tandis que celui de Bou-Djenan n’est qu’à 500.

Au point de vue militaire et stratégique, les derniers événements de la frontière ont fait suffisamment ressortir combien une communication directe entre Marnia, et Sidi-Bou-Djenan est indispensable pour assurer le ravitaillement et les mouvements de troupes sur Martimprey, le Kiss et les postes établis en territoire marocain.

Du reste, déclare la Commission, en manière de conclusion, si on ne considère véritablement que les intérêts généraux en jeu, la ligne, passant par Bou-Djenan offre sur celle passant par Nédromah des avantages économiques et financiers considérables.

Seule la ligne Marnia-Bou-Djenan-Nemours, dit le rapporteur, permettra la mise en valeur rapide de la riche plaine des Triffas, l’accroissement des marchĂ©s de la Frontière et le dĂ©veloppement des transactions entre cette ligne et l’Oranie.

Il sera d’ailleurs facile de faire participer le centre de NĂ©dromah Ă  tous ces avantages, en le reliant Ă  la ligne projetĂ©e par un embranchement facile Ă  construire. D’autre part, le tracĂ© direct par Bou-Djenan ne coĂ»terait que 4.600.000 francs, d’après les Ă©valuations mĂŞme du concessionnaire, tandis que la ligne par NĂ©dromah reviendrait Ă  un minimum de 6.500,000 francs, soit deux millions de plus ; elle traverserait en outre des terrains argileux, ce qui nĂ©cessiterait des travaux d’assainissement, toujours imprĂ©vus et des dĂ©penses d’entretien considĂ©rables.

Dans ces conditions, la Commission dĂ©clare que le Conseil gĂ©nĂ©ral ne peut engager le DĂ©partement dans des dĂ©penses nouvelles qui ne rĂ©pondraient pas au but Ă  atteindre et se prononce en faveur de l’adoption du tracĂ© par Bou-Djenan, prĂ©sentĂ© par M. Galesloot, avec embranchement de NĂ©dromah Ă  la ligne projetĂ©e.

VoilĂ , brièvement rĂ©sumĂ©es, les raisons d’ordre technique, Ă©conomique et financier qui ont fait prĂ©valoir, aux yeux de la Commission et de l’AssemblĂ©e dĂ©partementale, le tracĂ© direct Marnia – Bou-Djenan – Nemours. 

Mais notre impartialitĂ© nous fait un devoir d’indiquer Ă©galement la thèse prĂ©sentĂ©e pour l’adoption du projet Marnia – Maaziz et Nemours.

M. Si M’Hamed Ben Rahal, dans un rapport remarquable, lu Ă  la sĂ©ance du Conseil gĂ©nĂ©ral du 28 Janvier 1908, a brillamment dĂ©veloppĂ©, au sein de cette assemblĂ©e, les arguments des partisans du chemin de fer par NĂ©dromah, dont il est le reprĂ©sentant au Conseil gĂ©nĂ©ral.

Les mines de Maaziz ont déjà fait connaître que, du moment que la ligne ne les dessert pas directement elles ne lui donneront pas un centime de trafic.

De mĂŞme Nedromah dĂ©clare que si la voie passe Ă  plusieurs lieues de ses murs il lui est impossible, malgrĂ© l’embranchement, de l’utiliser.

Or, le contingent que les Mines et NĂ©dromah apporteraient Ă  la ligne projetĂ©e serait de 150.000 francs au bas mot ; c’est exactement le montant des intĂ©rĂŞts que le DĂ©partement et l’État AlgĂ©rien garantissent au concessionnaire, en regard des 4 millions que la ligne doit coĂ»ter.

Si donc on consentait Ă  faire un sacrifice pour obtenir ce contingent Ă©norme, la garantie pour ces quatre millions deviendrait purement morale. Et ce sacrifice consiste Ă  faire passer la ligne par NĂ©dromah et Ă  proximitĂ© des Mines, chose reconnue parfaitement possible, sauf le surcroit de dĂ©penses qu’entraĂ®nerait cette modification mais qui serait largement compensĂ© par le gros appoint du trafic des Mines, et de NĂ©dromah.

Les études sérieuses et approfondies faites en ce sens par les ingénieurs des mines de Maaziz et Masser sont concluantes sur ce point.

Certes leur opinion ne saurait contrebalancer celle des Ponts-et-ChaussĂ©es mais on ne peut, en toute impartialitĂ©, refuser Ă  leurs Ă©tudes — faites en vue de demander la concession de la ligne — le crĂ©dit qu’elles mĂ©ritent. Elles ont Ă©tĂ© faites par des gens compĂ©tents qui, habitant les lieux, ont eu tout le temps et tous les Ă©lĂ©ments voulus, pour arriver Ă  une conclusion aussi proche que possible de la rĂ©alitĂ©.

« Donc la question, pour le Conseil gĂ©nĂ©ral, s’Ă©crie M. Ben Rahal, se ramènerait Ă  ceci : Vaut-il mieux faire une ligne de quatre millions qui nĂ©gligerait bĂ©nĂ©volement 150.000 francs de recettes annuelles sĂ»res, ou une ligne de six millions, qui, sans rien sacrifier du trafic qu’elle est appelĂ©e Ă  faire, encaisserait Ă  coup sĂ»r 150.000 francs par an de plus ? On ne doit avoir, dans la circonstance, qu’un souci : desservir la plus grande somme d’intĂ©rĂŞts possible avec le minimum de garantie.»

NĂ©dromah est, en effet, une ville de six mille habitants, pleine de vie et d’avenir, chef-lieu d’une commune de plus de trente mille urnes, et ses mines, en pleine prospĂ©ritĂ©, peuvent donner un mouvement de 40.000 tonnes par an. Pourquoi nĂ©gliger cette rĂ©gion et ce trafic si aucune difficultĂ© sĂ©rieuse ne s’oppose Ă  ce qu’ils soient desservis ?

Sans NĂ©dromah et ses mines, la ligne de Marnia Ă  Nemours peut offrir des alĂ©as nombreux. Avec NĂ©dromah, Maaziz, AĂŻn-KĂ©bira et les nombreux gisements miniers, qui n’attendent que le rail pour agir, l’affaire devient très bonne et les risques pour le dĂ©partement sont nuls.

On pourrait, jusqu’Ă  un certain point, penser qu’en adoptant ce projet on occasionnerait un retard Ă  la prompte solution de l’affaire. Il n’en est rien. De nouvelles Ă©tudes ne sont pas nĂ©cessaires. Le tracĂ© proposĂ© par NĂ©dromah se rapproche sensiblement de celui dĂ©jĂ  Ă©tudiĂ© par les Ponts-et-ChaussĂ©es qui n’y ont relevĂ© aucune difficultĂ© sĂ©rieuse ni essentielle et l’ont dĂ©clarĂ© possible,

D’ailleurs aucune opposition n’est Ă  craindre de la part de Nemours ou de Marnia dont la seule crainte est un retard possible pouvant entraĂ®ner un Ă©chec. Or, de retard il ne saurait y en avoir puisque le projet est dĂ©jĂ  suffisamment Ă©tudiĂ© et qu’il est reconnu possible et pratique.

Sans cette crainte, il n’est pas douteux que Marnia et Nemours seraient enchantĂ©s de voir desservir NĂ©dromah directement et ils ne peuvent Ă©videmment que regretter profondĂ©ment de voir le tracĂ© projetĂ© s’en Ă©carter, vu que les intĂ©rĂŞts de ces trois communes sont Ă©troitement liĂ©s et solidaires. Quoiqu’il en soit, malgrĂ© tout le talent de M. Ben Rahal et l’excellence de ses arguments, le Conseil gĂ©nĂ©ral, dans sa sĂ©ance du 27 Janvier 1908, adopta les conclusions du rapport de la commission nettement favorable au projet Marnia-Sidi Boudjenan-Nemours, c’est-Ă -dire au projet Galesloot.

Ce projet, tel qu’il a Ă©tĂ© adoptĂ© par l’AssemblĂ©e dĂ©partementale, est un travail très complet et très Ă©tudiĂ© par son auteur qui y a consacrĂ© une partie de son existence. A ce seul titre, il mĂ©rite dĂ©jĂ  d’ĂŞtre mieux connu et mieux apprĂ©ciĂ©. Pour bien d’autres raisons qu’il serait trop long d’exposer ici, nous croyons intĂ©ressant et utile d’en indiquer les grandes lignes.

La ligne d’intĂ©rĂŞt local de Nemours Ă  Marnia par Sidi-Bou-Djenan Ă  voie de 1m055m, a son origine Ă  Nemours dans la plaine du champ de manĹ“uvres. De ce point, la ligne suit la rive gauche de l’oued Gazouanah jusqu’Ă  l’oued TaĂŻma qu’elle traverse, en suivant sa vallĂ©e jusqu’Ă  l’oued Zlamet. De lĂ , en cĂ´toyant ce cours d’eau, elle atteint Sidi-Bou-Djenan, d’oĂą elle se dirige vers le barrage de la MouĂŻlah qu’elle franchit et va, en s’inflĂ©chissent, rejoindre la route de Relizane au Maroc qu’elle longe parallèlement, pour aller aboutir Ă  Marnia, Ă  proximitĂ© du Bordj. Cette ligne aura un dĂ©veloppement de 54 kilomètres environ. Au kilomètre 7.270 mesurĂ© du point du dĂ©part de Nemours, se dĂ©tache un embranchement de mĂŞme Ă©cartement qui doit desservir NĂ©dromah.

La longueur de cet embranchement sera de dix kilomètres et aboutira au pied mĂŞme de cette ville. La distance totale de NĂ©dromah Ă  Nemours, par la voie ferrĂ©e, sera de 17 kilomètres 270 mètres, tandis que, par la route actuelle, la distance est de 18 kilomètres. Sur tout le parcours il est prĂ©vu divers arrĂŞts du train et notamment au « Tombeau des Braves », Ă  l’embranchement de NĂ©dromah, en desservant les villages de Tient et de Sidi Brahim ; Ă  Sidi Bou Djenan ; au barrage de la Moulouya ; au kilomètre 51, c’est-Ă -dire au point de jonction avec la route de Relizane au Maroc, et enfin Ă  Marnia oĂą la ligne ira se raccorder directement avec celle de l’Ouest-AlgĂ©rien, afin de rendre facile le transbordement des voyageurs et des marchandises. ; il est Ă  remarquer que le coĂ»t du transport des marchandises, alors mĂŞme qu’on appliquerait le tarif  maximum de 10 centimes par tonne et par kilomètre, serait de 5 fr. 40 les mille kms de Marnia Ă  Nemours et vice-versa. Il faut Ă©galement souhaiter que, dans un avenir plus ou moins rapprochĂ©, un embranchement pourra partir de Sidi-Bou-Djenan pour se diriger vers Oudjda qui se trouverait ainsi reliĂ© Ă  Nemours, son port naturel, par une ligne ferrĂ©e qui n’aura pas plus de 60 kilomètres de longueur. D’ailleurs on peut, d’ores et dĂ©jĂ , considĂ©rer cette ligne d’intĂ©rĂŞt local de Nemours Ă  Marnia comme le premier tronçon de la ligne d’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral Nemours-Marnia-Sebdou-El Aricha, classĂ©e en deuxième urgence par les DĂ©lĂ©gations financières. Il ne nous appartient Ă©videmment pas de discuter ici l’importance stratĂ©gique de la ligne Marnia-Nemours, ligne qui, d’après les projets avouĂ©s du gouvernement gĂ©nĂ©ral, doit-ĂŞtre, un jour, reliĂ©e Ă  Bedeau par Berguent et El-Aricha.

Mais qu’il nous soit permis tout au moins, en nous plaçant au point de vue rĂ©gional, d’insister un peu sur son importance Ă©conomique. Le chemin de fer Marnia-Nemours, quel que soit le tracĂ© adoptĂ©, traversera un pays riche et fertile dont le moindre dĂ©faut est d’ĂŞtre complètement dĂ©pourvu de voies de communication. C’est lĂ , quoiqu’on en dise, la vraie raison, la seule, du marasme Ă©conomique et industriel de notre rĂ©gion. Il n’est pas douteux, en effet, que le jour oĂą le rail y fera son apparition, la situation changera et s’amĂ©liorera considĂ©rablement sous tous les rapports. Les vastes et belles plaines d’Oujda, des Triffas et de NĂ©dromah ne seront plus d’immenses espaces Ă  peine dĂ©frichĂ©s ; elles seront entièrement mises en valeur et donneront leur maximum de rendement ; de nouveaux centres de colonisation y seront forcĂ©ment crĂ©Ă©s et y prospĂ©reront pour le grand profit du chemin de fer. Tout le secteur compris entre Marnia, Oudjda, la Moulouya et Nemours deviendra, tout naturellement, le tributaire de notre voie ferrĂ©e, tant au point de vue importations qu’au point de vue exportations. Les moutons, chevaux, mulets, bestiaux et tous les produits de l’Ă©levage marocain achetĂ©s en si grand nombre, chaque semaine, sur l’important marchĂ© de Marnia, accomplissent aujourd’hui un trajet de plus de 200 kilomètres pour se rendre Ă  Oran oĂą ils s’embarquent. Une fois le chemin de fer et notre port construits, ils n’auront plus que 54 kilomètres Ă  faire pour gagner leur port d’embarquement naturel, c’est-Ă -dire Nemours. 

En un mot, le rail constituera dans notre rĂ©gion un prĂ©cieux agent de dĂ©veloppement industriel et commercial, un merveilleux instrument d’expansion, et contribuera, dans la plus large mesure, Ă  l’essor du trafic de notre port appelĂ© Ă  prendre une grande extension et sur lequel on fonde, avec raison, les plus belles espĂ©rances.

J’en arrive Ă  l’ouvrage, le plus important et certainement le plus intĂ©ressant pour l’avenir de notre rĂ©gion, c’est-Ă -dire Ă  la construction de notre port, dĂ©bouchĂ© naturel et nĂ©cessaire de tout le Maroc oriental. Ici, les avis sont encore partagĂ©s et l’ont Ă©tĂ© de tous temps, ainsi que nous allons le voir. La question du port de Nemours, vieille d’un demi-siècle, a Ă©tĂ© agitĂ©e Ă  maintes reprises, sans jamais aboutir Ă  une solution favorable, grâce Ă  l’ostracisme draconien dont fut sans cesse frappĂ©e notre rade qui n’est certainement pas plus inhospitalière que tant d’autres de la cĂ´te algĂ©rienne devenues depuis des ports.

D’ailleurs, un historique, aussi bref que possible, des diffĂ©rentes phases par lesquelles est passĂ©e cette question, prouvera suffisamment combien est vrai le dicton populaire ; « Autres temps….. autres….. opinions ! ». 

Nemours est construite sur les terres d’alluvions de l’Oued Gazouanah et du torrent de Touent, devant une plage orientĂ©e de l’E.N.E. Ă  l’O.S.O. La ville est situĂ©e au fond d’une baie que limitent Ă  l’Est le plateau de Touent Ă©levĂ© de 120 Ă  130 mètres ; Ă  l’Ouest, par une pointe rocheuse haute de 80 mètres environ prolongĂ©e jusqu’Ă  30 mètres vers le large et par deux petites roches : les Deux SĹ“urs» et deux grand rochers : les « Deux Frères », connus dĂ©jĂ  du temps des Romains sous le nom de « Ad Fratres ».

Vers le milieu de la plage dĂ©bouche l’Oued Gazouanah qui charrie des sables siliceux, Ă  assez gros Ă©lĂ©ments. 

DĂ©jĂ , en 1857, M. l’ingĂ©nieur hydrographe Lleussou, chargĂ© d’Ă©tudier les conditions nautiques des principales rades d’AlgĂ©rie, disait dans son rapport que la baie de Nemours, faisant face au N. N. O., n’offre pas d’abri et que la belle plage qui la borne est saine, facile Ă  accoster par mer calme, mais difficilement abordable par la moindre houle du large. SituĂ©e Ă  l’exposition directe de tous les vents dangereux, elle a 1400 mètres d’ouverture sur 300 de profondeur et prĂ©sente, par consĂ©quent un emplacement dĂ©favorable pour fonder un port. Raison de plus, disaient Ă  ce moment dĂ©jĂ  les autoritĂ©s locales, pour nous protĂ©ger, par un travail quelconque, contre les mauvais temps.

Vers la mĂŞme Ă©poque, le GĂ©nie militaire fit construire dans l’Est de la plage, enracinĂ© Ă  la montagne, un dĂ©barcadère en charpente de 48 mètres, mais Ă©tabli dans des conditions telles, qu’en 1858 il fut emportĂ© par une tempĂŞte et ne fut pas rĂ©tabli.

De 1861 Ă  1866, pour mettre la ville Ă  l’abri de la mer qui l’avait plusieurs fois envahie, on Ă©tablit un plan inclinĂ© perreyĂ© de 175 mètres de long, prolongĂ© de 270 mètres par une digue en enrochements. Entre la digue et le perrĂ© on crĂ©a un petit Ă©pi de gros rochers. 

En 1868, on fit un tout petit pas en avant ; on alla jusqu’Ă  construire une sorte de quai, au pied de la falaise qui limite la plage Ă  l’Est et un chemin d’accès reliant ce quai Ă  la ville. Un peu plus tard, en 1875, cet embryon de quai fut abritĂ© par un embryon de jetĂ©e de 40 mètres de long, enracinĂ© Ă  la falaise, Ă  une quinzaine de mètres de son extrĂ©mitĂ©. Mais ces petites amĂ©liorations ne pouvaient Ă©videmment pas suffire Ă  assurer les communications des navires qui frĂ©quentaient la rade avec la terre. Ses « Instructions nautiques » publiĂ©es en 1879, M. l’amiral Mouchez, frappĂ© par les nombreux inconvĂ©nients de notre rade, signale Ă©galement la fâcheuse situation de la plage sur laquelle est bâtie la ville de Nemours pour laquelle il ne paraĂ®t pas Ă©prouver une bien vive sympathie : « Elle est, dit-il, complètement exposĂ©e Ă  la mer et au mauvais temps de N.-E. La moindre houle la rend presque inabordable et en hiver, les communications entre la terre et la route sont souvent impossibles. Quand règnent les vents d’Ouest qui, mĂŞme modĂ©rĂ©s, rendent le dĂ©barcadère inabordable, on peut, parfois très difficilement, dĂ©barquer, Ă  l’abri de la pointe du Phare, Ă  l’extrĂ©mitĂ© Ouest de la plage. Les fonds sont trop grands devant Nemours et la cĂ´te trop dĂ©favorablement orientĂ©e pour qu’on ne puisse jamais songer Ă  y crĂ©er un port ; mais on pourrait tout au moins essayer d’amĂ©liorer sa situation en faisant deux petites jetĂ©es de 200 mètres, par les fonds de 6 Ă  8 mètres, l’une portant de la pointe du dĂ©barcadère, l’autre partant des rochers des «Deux SĹ“urs» oĂą de la pointe de l’Ouest, de manière Ă  obtenir, quelle que soit la direction du vent, une des deux extrĂ©mitĂ©s de la baie, toujours abritĂ©e, pour l’accostage des embarcations. 

« Il serait indispensable de laisser une ouverture entre la cĂ´te et le commencement de la jetĂ©e pour laisser passage au courant et empĂŞcher l’ensablement qui, sans cela, serait inĂ©vitable. Ces deux jetĂ©es de dimensions assez rĂ©duites seraient peu coĂ»teuses, assureraient presque en tout temps les communications de la terre avec la mer et « suffiraient mĂŞme pour abriter les caboteurs qui frĂ©quentent ce port. »

Ainsi donc l’amiral Mouchez (une autoritĂ© pourtant !) qu’on ne saurait taxer de faiblesse pour notre ville, reconnaĂ®t lui-mĂŞme la nĂ©cessitĂ© de travaux d’amĂ©nagements de la rade pour l’amĂ©lioration des opĂ©rations maritimes, travaux qui furent longtemps mais en vain, rĂ©clamĂ©s par les MunicipalitĂ©s qui se sont succĂ©dĂ©.  Cependant, en prĂ©sence de l’insistance des reprĂ©sentants de la rĂ©gion et des vĹ“ux Ă©mis par le Conseil municipal de Nemours, d’abord pour le prolongement ensuite pour la suppression de l’embryon de jetĂ©e Est, on finit, le 23 Janvier 1881, par rĂ©unir une commission nautique chargĂ©e d’Ă©tudier les travaux dĂ©jĂ  exĂ©cutĂ©s et de se prononcer sur le point de savoir s’il y avait lieu de les continuer ou de les modifier, suivant les dĂ©siderata successifs de l’Ă©dilitĂ© nemourienne.

La Commission, après un examen très approfondi de la situation, reconnut que le bout de jetĂ©e Est, construit en 1875, constituait une vĂ©ritable hĂ©rĂ©sie nautique et ne devait pas ĂŞtre prolongĂ©. Elle prĂ©senta alors, comme une sorte de panacĂ©e Ă  tous les maux dont souffrait notre rade, un projet de port, fermĂ©, au Nord, par une jetĂ©e courbe, enracinĂ©e Ă  l’extrĂ©mitĂ© de la falaise Est, et, Ă  l’Ouest, par un Ă©pi perpendiculaire Ă  la plage.

C’est paraĂ®t-il, la vieille crainte de l’amiral Mouchez, l’ensablement du port, crainte basĂ©e sur une simple hypothèse et que les Ă©tudes faites depuis ont fait disparaĂ®tre, qui empĂŞcha les Pouvoirs publics de donner suite Ă  ce projet.

Cependant, il devenait chaque jour plus indispensable de faire quelque chose ici pour faciliter les opérations commerciales, trop souvent impossibles et aider ainsi au développement de notre trafic chaque jour plus important. Sous la pression de nombreuses démarches, faites à cette époque par nos représentants, le Service des travaux maritimes donna le jour, en 1883, à un projet qui était purement et simplement une réduction, singulièrement atrophiée, du projet de 1881.

On n’hĂ©sita pas, en 1884, Ă  nommer une Commission nautique pour examiner ce projet qui consistait dans l’Ă©tablissement d’un quai dĂ©barcadère protĂ©gĂ© par une jetĂ©e reliant Ă  la cĂ´te 1’« Ilot des SĹ“urs » et desservi par un chemin d’accès, franchissant Ă  guĂ© l’oued Gazouanah.

Cette Commission, tout bien pesĂ©, dĂ©crĂ©ta (et avec elle l’ingĂ©nieur en chef d’Oran) que la construction d’un port-abri Ă  Nemours donnerait des rĂ©sultats fort incertains, mĂŞme au prix de sacrifices que l’importance de la localitĂ© ne justifierait pas. C’Ă©tait tout bonnement, pour ce malheureux projet un enterrement de 1èreclasse avec les honneurs d’une oraison funèbre digue d’un meilleur sort. 

Malheureusement pour la Commission, son opinion, très respectable d’ailleurs mais quelque peu fantaisiste, Ă©tait en contradiction formelle avec les chiffres statistiques accusant, de 1873 Ă  1881, un accroissement très sensible du trafic de notre port la moyenne du mouvement commercial qui, de 1873 Ă  1879, Ă©tait de 9,486 tonnes, Ă©tait passĂ©, de 1877 Ă  1884, Ă  11,340 tonnes ! 

Mais la Commission nautique ne s’arrĂŞta pas Ă  un aussi petit dĂ©tail. 

Elle approuva la construction de la route (ouvrage de seconde importance), et, jugeant que la jetĂ©e et le quai projetĂ©s ne sauraient produire des rĂ©sultats en rapport avec les dĂ©penses qu’ils nĂ©cessiteraient, demanda simplement l’Ă©tablissement d’un dĂ©barcadère en charpente (il n’aurait pas tenu six mois !) debout Ă  la plage vers son extrĂ©mitĂ© Ouest et le prolongement jusqu’Ă  100 ou 120 mètres de la jetĂ©e Est. La fameuse crainte de l’ensablement, cet Ă©pouvantait de presque toutes les Commissions nautiques l’empĂŞcha de donner suite Ă  ce vĹ“u de prolongement ; et le dĂ©barcadère en charpente jugĂ©, avec raison d’ailleurs, trop peu rĂ©sistant, on imagina, en 1887, en manière de travaux de port, un quai dans la falaise et un chemin d’accès par l’oued Gazouanah, qui Ă©taient loin de rĂ©pondre aux exigences de notre trafic, sans cesse grandissant. 

Les travaux projetĂ©s en 1887 n’Ă©taient Ă©videmment pas de nature Ă  donner satisfaction au commerce et n’Ă©taient sĂ»rement pas en rapport avec l’importance acquise par notre rade. Le mouvement commercial de Nemours, de 1873 Ă  1884, Ă©tait en moyenne de 11.340 tonnes de marchandises, dont 3.854 Ă  l’importation et 7.486 Ă  l’exportation. 

Ces chiffres ont augmentĂ© progressivement chaque annĂ©e et se sont Ă©levĂ©s, de 1897 Ă  1901, Ă  15,545 tonnes en moyenne, dont 8,852 Ă  l’importation et 6 692 Ă  l’exportation. Ce mouvement ascendant a atteint de 1902 le chiffre global de 39,905 tonnes, dont 7.891 Ă  l’importation et 32,014 Ă  l’exportation ! Depuis cette Ă©poque, par suite de l’agitation perturbatrice des affaires, qui n’a cessĂ© de rĂ©gner Ă  la frontière, la production gĂ©nĂ©rale de cette rĂ©gion a Ă©tĂ© arrĂŞtĂ©e, les transactions commerciales de l’AlgĂ©rie avec cette partie du Maroc ont Ă©tĂ© quelque peu paralysĂ©es et ces chiffres importants sont retombĂ©s lĂ©gèrement, tout en se maintenant nĂ©anmoins, dans les environs de 24 Ă  25,000 tonnes par an. 

En prĂ©sence d’un tonnage aussi important, sur une simple rade, on se demande Ă  quoi pouvait donc bien servir un embryon de quai, constamment battu par la mer et inutilisable, Ă  la moindre houle et cet autre chef-d’Ĺ“uvre qu’est le chemin d’accès, avec un passage Ă  guĂ© dans l’oued Gazouanah, absolument impraticable Ă  la moindre crue de ce torrent ?

On se rendit bien vite compte de l’inutilitĂ© parfaite de ces travaux qui ne rĂ©pondaient nullement aux besoins de l’instant et l’on s’aperçut qu’il n’Ă©tait plus possible, sous peine de mort pour notre rĂ©gion, de rester plus longtemps dans une pareille situation.

Nemours eut alors un mouvement (oh ! un simple mouvement bientĂ´t apaisĂ© !) de rĂ©volte bien lĂ©gitime. Elle se mit Ă  crier un peu plus haut et un peu plus fort qu’elle, ne l’avait fait jusqu’Ă  ce jour. Tour Ă  tour elle implora, menaça, supplia et obtint enfin, grâce au bienveillant et puissant appui de nos dĂ©vouĂ©s reprĂ©sentants  (assez magnanimes pour nous pardonner notre geste d’impatience), la rĂ©union d’une Commission nautique, le 22 mai 1905 !

Elle Ă©tait chargĂ©e d’examiner, cette fois très  sĂ©rieusement, le projet complet de notre port, prĂ©alablement Ă©tabli et prĂ©sentĂ© par le service des Ponts-et-ChaussĂ©es, sous la savante direction de MM. LeioutrĂ© et Platel, ingĂ©nieurs, Ă  qui nous nous plaisons Ă  rendre, en cette circonstance, un hommage public de reconnaissance. 

Cette Commission reconnut enfin que le port de Nemours est le port d’exportation des produits agricoles de toute la rĂ©gion française de Marnia et de la rĂ©gion marocaine d’Oudjda, que beaucoup de ces produits qui vont aujourd’hui Ă  Oran et Melilla, se dirigeraient sur Nemours, si les opĂ©rations d’embarquement y Ă©taient plus sĂ»res et moins onĂ©reuses, Elle admit parfaitement que la rĂ©gion de Nemours mĂ©rite de retenir l’attention, car l’accroissement constant de son commerce est une preuve irrĂ©futable de sa vitalitĂ©.  Elle dĂ©clara mĂŞme qu’il y a ici des Ă©lĂ©ments de prospĂ©ritĂ© qui contribueront, dans une large mesure, Ă  l’essor commercial du pays. 

C’est ainsi que la crĂ©ation aujourd’hui dĂ©cidĂ©e d’une zone irrigable de près de cinq mille hectares autour de Marnia, va faire des plaines de Marnia et d’Oudjda une des rĂ©gions les plus fertiles, les plus productives et les plus riches de l’AlgĂ©rie et ce, pour le plus grand profit du chemin de fer Marnia-Nemours, qui drainera toute cette production, et de notre port oĂą viendront s’embarquer tous ces produits.

D’autre part l’achèvement prochain de routes en construction autour de Nemours, telles que la route de Nemours Ă  Tlemcen par Hennaya, Nemours Ă  Raschgoun et Nemours Ă  la frontière marocaine, par Sidi-Bou-Djenan, Martimprey et Si Mohamed ou Berkane, va rendre les communications dans cette rĂ©gion faciles, rapides et Ă©conomiques.

Enfin, le dĂ©veloppement des mines de plomb argentifère de Ghar-Rouban et surtout des mines de blende et de calamine de Maaziz et Masser ne peut que contribuer Ă  la prospĂ©ritĂ© gĂ©nĂ©rale de notre rĂ©gion et au dĂ©veloppement du trafic de notre port. La Commission, après de minutieuses investigations et un examen approfondi du projet qui lui est soumis, finit par dĂ©clarer qu’on doit pouvoir tabler ici sur un tonnage moyen de 30.000 tonnes au moins pour les premières annĂ©es, et elle ajoute, en manière de conclusion, que malgrĂ© les conditions nautiques dĂ©favorables de notre rade, le moment est venu de faire, pour doter Nemours d’un port-abri, les sacrifices qui avaient jusqu’ici Ă©tĂ© jugĂ©s hors de proportion avec l’importance du trafic.

Le projet d’un port-abri Ă  Nemours, soumis Ă  la Commission nautique de 1905, comporte un ensemble de travaux fort intĂ©ressants et, en tous cas, très suffisants pour les besoins de notre commerce. Voici les grandes lignes du programme Ă  exĂ©cuter. 

Tout d’abord, une grande jetĂ©e Nord, partant du bout de la falaise Est qui limite la rade dans cette direction, se dirigera vers l’Ouest sur une distance de 166 mètres, puis s’inflĂ©chira un peu plus vers le sud, sur l65 mètres. Ensuite, on construira une jetĂ©e Ouest, enracinĂ©e Ă  l’extrĂ©mitĂ© des enrochements qui se trouvent dans le prolongement de la rue de NĂ©dromah, dirigĂ©e normalement au quai sur 240 mètres, puis s’inflĂ©chissant vers le N. E. sur une longueur de 250 mètres, de façon Ă  laisser entrer son musoir et celui de la jetĂ©e Nord, une passe qui pourra varier de 112 Ă  150 mètres.

Enfin en avant de cette passe, sera Ă©tabli un brise-lames d’une longueur de 340 mètres, laissant deux passes : l’une de 105 mètres Ă  l’Est, l’autre de 150 mètres Ă  l’Ouest.

La surface d’eau qui serait ainsi abritĂ©e par ces diffĂ©rents travaux, serait d’environ 16 hectares et des dragages seraient effectuĂ©s pĂ©riodiquement de façon Ă  obtenir constamment une surface de 11 hectares avec des fonds de 7 mètres au moins. 

La dĂ©pense totale prĂ©vue pour l’exĂ©cution de ce projet s’Ă©lèverait approximativement Ă  3.300.000 francs. Il faut noter que la MunicipalitĂ© de Nemours aurait l’intention de participer Ă  ces travaux pour une somme d’environ 1 million. Après avoir prĂ©sentĂ© Ă  propos de ce projet des observations d’ordre technique qu’il serait trop long d’examiner ici, la Commission fait remarquer, avec juste raison, que la dĂ©pense de 3.300.000 fr, qui semble devoir ĂŞtre un minimum, peut paraĂ®tre bien Ă©levĂ©e pour obtenir un abri de 11 hectares seulement utilisables, et que, d’autre part, aucun agrandissement de ce port ne sera possible, dans l’avenir, car si les espĂ©rances qui lĂ©gitiment une pareille dĂ©pense se rĂ©alisaient, on pourrait regretter, comme il est arrivĂ© souvent, d’avoir fait un port trop petit. En reculant dans l’Est d’une centaine de mètres, la jetĂ©e Ouest et le brise-lames il suffirait de prolonger la jetĂ©e Nord de cette longueur pour obtenir un port qui, pour une augmentation de dĂ©pense d’environ 300.000 francs, serait agrandi d’un tiers. La Commission demande donc qu’il soit tenu compte de cette observation dans la mesure oĂą les crĂ©dits les permettront.

Quant Ă  la fameuse crainte de l’ensablement du port, la Commission en fait très heureusement justice et reconnaĂ®t facilement qu’il s’est produit une diminution importante des sables apportĂ©s dans la baie par l’oued Touent, aujourd’hui complètement dĂ©rivĂ©, et que, si un mouvement de sable se produit, il sera assez lent pour que des dragages pĂ©riodiques puissent facilement assurer l’entretien dos profondeurs.

Sous le bĂ©nĂ©fice de ces justes observations, la Commission approuve le projet prĂ©sentĂ© par le Service des Ponts et ChaussĂ©es et Ă©met le vĹ“u que dans le cas oĂą les crĂ©dits disponibles le permettraient, on donne Ă  notre port la plus grande Ă©tendue possible, 

Nemours est donc en 1905, arrivĂ© Ă  un tournant de son histoire, si lamentable avant cette Ă©poque. DĂ©sormais la Commission officielle, composĂ©e d’hommes compĂ©tents, reconnaĂ®t enfin l’utilitĂ©, la nĂ©cessitĂ© mĂŞme, d’un port-abri Ă  Nemours et fait, une fois pour toutes, justice des prĂ©ventions aussi malveillantes que ridicules qui, depuis un demi-siècle existaient contre notre rade, laquelle, je ne cesserai de le rĂ©pĂ©ter, n’est ni plus mauvaise ni plus inhospitalière, que bien d’autres rades de la cĂ´te algĂ©rienne devenues depuis des ports !

Les travaux de la Commission ont Ă©tĂ© magistralement exposĂ©s dans un remarquable rapport de M. de Vaussey, ingĂ©nieur hydrographe, membre de la Commission. C’est sur cet important document que se sont appuyĂ©s nos dĂ©vouĂ©s reprĂ©sentants pour demander avec beaucoup d’insistance aux Pouvoirs Publics de vouloir bien donner enfin satisfaction aux lĂ©gitimes desiderata des habitants de la rĂ©gion, en donnant Ă  ce projet tout au moins un commencement d’exĂ©cution. 

Les rĂ©sultats des travaux de la Commission de 1905 furent soumis, pour l’examen technique, Ă  la haute approbation du Conseil gĂ©nĂ©ral supĂ©rieur des Ponts-et-ChaussĂ©es, Ă  Paris. Cette Ă©minente assemblĂ©e dĂ©lĂ©gua ici son prĂ©sident, M. Quinette de Rochemont, accompagnĂ© de deux techniciens et du Directeur des Travaux publics du Gouverneur gĂ©nĂ©ral. Ces Messieurs vinrent Ă  leur tour, Ă©tudier sur place le projet qui leur Ă©tait soumis, 

Nous n’entrerons pas ici dans le dĂ©tail des objections qu’ils soulèvent, Tout ce que nous pouvons affirmer c’est que d’après eux, la somme de 3.300.000 francs indiquĂ©e par le projet des Ponts-et-ChaussĂ©es serait bien au-dessous de la vĂ©ritĂ©, et que c’est 6.000.000 de francs qu’il y avait lieu de prĂ©voir pour l’exĂ©cution du projet du port Ă  Nemours. C’est lĂ  un chiffre qui, en admettant qu’il soit exact, n’est pas fait pour nous Ă©mouvoir, quand on songe Ă  tous ces millions qui se dĂ©pensent ailleurs pour des travaux publics de port ou autres d’une utilitĂ© tout au moins contestable !

Heureusement pour Nemours que ses dĂ©vouĂ©s reprĂ©sentants ne se laissèrent arrĂŞter ni par le mauvais vouloir des uns ni par l’hostilitĂ© des autres et, grâce Ă  leur bienveillant et puissant appui il fut dĂ©cidĂ© que les travaux du port de Nemours seraient entrepris incessamment, après l’accomplissement de quelques formalitĂ©s qui prĂ©cèdent toujours le commencement de travaux aussi importants.

Entre temps, les DĂ©lĂ©gations Financières votaient un crĂ©dit de deux millions pour les travaux de notre port. Cette somme, devant ĂŞtre prĂ©levĂ©e sur le nouvel emprunt de 175 millions que doit Ă©mettre prochainement le Gouvernement GĂ©nĂ©ral de l’AlgĂ©rie, en attendant, c’est sur les fonds de rĂ©serves que doit ĂŞtre pris le montant des ouvrages prĂ©liminaires en cours d’exĂ©cution ici, en ce moment, sous l’habile direction du distinguĂ© conducteur des Ponts-et-ChaussĂ©es, M. Roy Premorant.

Le programme actuel comprend une jetĂ©e Nord de 200 mètres de long sur 17 mètres 40 de large au couronnement, suivant une direction Est-Ouest et s’Ă©levant Ă  la cĂ´te 0m50 au-dessus du niveau de la mer, puis perpendiculairement Ă  cette jetĂ©e, et partant de son milieu, on Ă©tablira une jetĂ©e de 80 mètres de longueur se dirigeant vers la terre et formant ainsi avec la première un vĂ©ritable petit port destinĂ© Ă  abriter le matĂ©riel naval de l’entreprise du port et dont le commerce local pourra profiter le cas Ă©chĂ©ant. Enfin, Ă  l’Ouest, partant de l’arsenal d’artillerie, et laissant la Gazouanah en dehors, on- commencera l’amorce de la future jetĂ©e Ouest en attendant qu’une Ă©tude plus approfondie du rĂ©gime des vents et des mouvements de la mer et des sables (toujours la fameuse peur de l’ensablement !) permette d’Ă©tablir le projet dĂ©finitif de notre port abri.

Quant Ă  notre chemin de fer, qui est le corollaire nĂ©cessaire de notre port, il est en ce moment en très bonne voie. Dans sa session d’octobre 1908, le Conseil GĂ©nĂ©ral d’Oran, sur les vives instances de nos chers et dĂ©vouĂ©s reprĂ©sentants, autorisa M. le PrĂ©fet, le regrettĂ© M. de Malherbe, Ă  signer avec M. Galesloot la convention de concession.

NEMOURS – LE CHEMIN DE FER LES ANNEES 50

Ainsi donc, une ère nouvelle de prospĂ©ritĂ© s’ouvre pour notre rĂ©gion si longtemps dĂ©laissĂ©e. Le câble tĂ©lĂ©graphique sous-marin, nous reliant dĂ©sormais directement aux Iles Zaffarines, Melilla, l’Espagne et la cĂ´te marocaine, fonctionne admirablement bien, depuis le 14 juillet 1908, sous l’habile direction du distinguĂ© M. Pedro Benito y Sanz. Le circuit tĂ©lĂ©phonique Nemours-Marnia Tlemcen Oran est ouvert au public depuis le 8 octobre 1908 et rend d’inapprĂ©ciables services Ă  tout le monde et surtout au commerce.

Les travaux d’agrandissement du tunnel de Touent, qui doit nous protĂ©ger Ă  tout jamais contre toute nouvelle inondation, sont Ă  peu près terminĂ©s. Enfin, la construction de notre chemin de fer et de notre port n’est plus qu’une question de temps.

C’est donc avec la plus vive et la plus lĂ©gitime satisfaction que nous constatons aujourd’hui que nos justes dolĂ©ances ont Ă©tĂ© enfin entendues, et qu’on ne nĂ©glige rien pour nous doter d’un outillage Ă©conomique, qui va nous permettre enfin de sortir du marasme industriel et commercial dans lequel nous nous trouvions si injustement depuis un demi-siècle.

Adressons nos plus vifs remerciements Ă  MM. Leloutre et Platel, ingĂ©nieurs du ContrĂ´le, chargĂ©s de l’établissement des projets de tous ces travaux importants, d’un intĂ©rĂŞt vital pour nous, Ă  M. Laurent Fouque, notre cher conseiller gĂ©nĂ©ral, qui s’est employĂ© de toute son âme Ă  nous faire obtenir satisfaction, et Ă  Monsieur le Gouverneur GĂ©nĂ©ral de l’AlgĂ©rie, dont la bienveillance ne nous a jamais fait dĂ©faut. 

Rendons enfin un public et Ă©clatant hommage de gratitude et d’affectueux dĂ©vouement Ă  nos vĂ©nĂ©rĂ©s reprĂ©sentants, MM. Etienne et Saint-Germain, dont la puissante intervention et l’inlassable tĂ©nacitĂ© ont eu raison de tous les obstacles qui s’opposaient Ă  la rĂ©alisation de nos vĹ“ux les plus chers.

OCTAVE LLABADOR.

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